Non, la faillite n’est plus un tabou. Ce n’est pas le pire scénario, mais une solution quand les affaires vont mal, une deuxième chance. Les entrepreneurs dont le projet a échoué ont au moins acquis une expérience utile. La nouvelle loi relative à l’insolvabilité le souligne plus que jamais. Reste maintenant la perception.
Un entrepreneur qui a fait faillite est applaudi aux États-Unis. En Europe, il sera persona non grata pendant tout le reste de sa carrière dans le milieu des affaires. C’est un cliché, mais qui comporte une part de vérité. Aux États-Unis, des noms tels que Ford, Jobs et même Disney prouvent que la faillite fait partie du trajet vers le succès, c’est une école, une preuve de persévérance (lisez aussi: Redémarrer après une faillite?). En Europe nous associons toujours les entrepreneurs faillis à la fraude et à la criminalité. On ne parle jamais des éventuels échecs latéraux des icônes des affaires.
Le navire coule
Il faut bien l’admettre, de nombreuses faillites ne sont pas nettes. Mais une véritable fraude, à savoir provoquer volontairement sa propre faillite à des fins d’enrichissement personnel, est pourtant rare. Mais les entrepreneurs ne prennent pas toujours les meilleures décisions lorsqu’ils risquent de boire la tasse. Ils craignent que leur famille ne doive payer les dettes, ne veulent pas comprendre que leur affaire n’a plus d’avenir ou redoutent les réactions du monde extérieur en cas d’échec. Ils laissent traîner les choses, s’enfoncent dans les dettes ou prélèvent même l’argent d’une autre affaire pour sauver le navire du naufrage.
Conséquence ? Le monde extérieur regarde les faillis de travers. Les entrepreneurs qui ont fait faillite démarrent rarement une nouvelle affaire, comme le démontrent les statistiques. Mais personne n’y gagne : c’est une conviction qui fait son chemin de plus en plus. Des initiatives comme Fuckup Nights essaient de lever le tabou qui pèse sur la faillite, mais c’est le législateur qui a pris la tête de ce mouvement.
Excusabilité après faillite
En Belgique, l’excusabilité après faillite existe depuis des années. Les entrepreneurs ayant fait la culbute sur le plan financier voient leur ardoise effacée après un certain temps, à condition qu’il ne soit pas question de fraude. En d’autres termes, le tribunal du commerce confirme que la faillite était un accident de parcours, et pas une erreur ou un acte criminel. Très joli en théorie, mais dans la pratique, il faut souvent beaucoup de temps pour obtenir l’excusabilité. L’une des conditions implicites ? Le remboursement des dettes.
Et c’est là que le bât blesse, a estimé la Commission européenne. ‘Les chefs d’entreprise qui font faillite ont justement, grâce à leur expérience, plus de chances de réussir qu’auparavant’, estime l’Europe. C’est pour cela qu’ils doivent redémarrer rapidement. La philosophie de la deuxième chance est reprise dans le Livre 20, l’ambitieuse proposition de nouvelle loi relative à l’insolvabilité du ministre de la justice, Koen Geens (CD&V). La proposition de loi remplace l’excusabilité par une quittance rapide des dettes, à terme même dans les six mois.
Une nouvelle chance
La nouvelle loi relative à l’insolvabilité transforme la faillite en solution, au lieu d’un scénario catastrophe. Votre entreprise tourne à perte depuis des années ? La demande diminue ? Vous n’arrivez pas à faire face à la concurrence ? Commencez à préparer votre faillite bien à temps. Soyez honnête vis-à-vis de vos fournisseurs. Et surtout, pensez à l’avenir. Votre affaire pourrait redémarrer avec un nouveau modèle d’entreprise ? Si vous réagissez à temps, vous n’aurez pas à vous faire de soucis à cause de vos dettes ou d’une suspicion de fraude. Mieux encore : vous aurez une nouvelle chance. Saisissez-la.
La société profite également de cette loi de la deuxième chance. Les fournisseurs perdent leur argent, certes, mais dans la plupart des cas, il n’y a de toute façon plus d’argent pour payer les dettes. Cette loi encourage aussi les entrepreneurs à traduire leur expérience en meilleur modèle de gestion et d’entreprise. Et, last but not least, cette échappatoire légale donne aux entrepreneurs ayant des problèmes financiers la motivation nécessaire pour liquider leur affaire à temps, de manière transparente et correcte.
Source: Graydon blog