Le développement économique de la Chine constitue l’histoire à succès de ces dernières décennies, mais son rythme de croissance a perdu de sa vigueur depuis quelques années. Pareil ralentissement est un phénomène normal à mesure qu’un pays voit sa richesse s’accroître. La question est donc de savoir si la Chine peut poursuivre sa convergence rapide vers le niveau de vie des pays avancés, c’est-à-dire si elle peut éviter le « piège du revenu intermédiaire ».
La notion de piège du revenu intermédiaire doit son existence au constat qu’une série de pays sont restés classés durant une longue période comme des pays à revenu intermédiaire sur la base de leur PIB par tête et qu’ils n’ont pas accédé au groupe des pays riches et avancés. Cela indique que la transition de pays à revenu intermédiaire à pays à haut revenu est nettement plus laborieuse que la première phase de développement, à savoir le passage de pays à faible revenu à pays à revenu intermédiaire. Cette situation s’explique par le fait que la stratégie de développement initiale, basée sur une production intensive en main-d’œuvre et sur l’attraction de technologies et de capitaux étrangers, s’essouffle après un certain temps, tandis que le nouveau modèle de croissance, porté par des gains de productivité, est souvent difficile à mettre en place.
Outre le ralentissement normal de la croissance dont s’accompagne la convergence économique, les corrections de la composition déséquilibrée des dépenses et de la production, l’endettement élevé et le vieillissement rapide de la population pénaliseront la croissance future de la Chine. Des mesures s’imposent afin d’éviter une crise financière et d’enrayer l’accumulation de dettes supplémentaires, et ce sans mettre en péril le potentiel de croissance. Le défi consiste à trouver le bon équilibre, dans le cadre duquel le rééquilibrage et la modernisation industrielle vont de pair. Les évolutions démographiques jouent elles aussi en défaveur de la Chine: jamais auparavant un pays n’avait été touché par le vieillissement de sa population à un stade aussi précoce du développement économique.
La Chine peut néanmoins s’appuyer sur une série de bases solides en vue d’une croissance future portée par des gains de productivité, comme une spécialisation dans des produits d’exportation relativement sophistiqués, des infrastructures modernes et des investissements substantiels en capital humain ainsi qu’en recherche et en développement. Le progrès technologique de l’économie du pays ouvre également de nouvelles opportunités. La stratégie suivie vise la poursuite de l’augmentation des exportations chinoises de produits de haute technologie, l’ « on-shoring », l’acquisition de technologies à l’étranger par l’intermédiaire d’investissements directs étrangers sortants et la mise en place d’une politique d’innovation dans le pays. Chacune de ces stratégies a toutefois ses limites: des réactions protectionnistes face à un essor accru des exportations chinoises, des restrictions légales (aux États-Unis et dans plusieurs pays européens) concernant les achats de technologies par des entreprises chinoises bénéficiant d’aides publiques dans des secteurs stratégiques et d’éventuels obstacles institutionnels liés à l’innovation.
Compte tenu des nombreuses incertitudes qui planent, il est difficile de prédire si la Chine échappera au piège du revenu intermédiaire. Les auteurs estiment que leur analyse nous permet d’afficher un optimisme prudent à l’égard de cette possibilité.
Source: Banque Nationale de Belgique