Le second confinement que connait actuellement notre pays semble (encore) plus difficile à vivre que le premier. Certains ont beaucoup de mal à respecter les mesures imposées et il n’est pas rare de lire des avis formulés de manière parfois indélicate sur les réseaux sociaux. Des messages exprimés publiquement par un travailleur pourraient-ils justifier un licenciement pour motif grave ? Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional nous éclaire sur le sujet.
Un travailleur a-t-il le droit de tout dire sur les réseaux sociaux ?
Un travailleur est avant tout une personne et a, bien entendu, le droit de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Mais il est également, bien évidemment, tenu par un devoir de loyauté vis-à-vis de son employeur. « L’idée n’est pas en effet de permettre au travailleur de dire tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux et certains propos pourraient parfois amener au licenciement pour motif grave du travailleur » explique Catherine Mairy de Partena Professional.
Quelle est la « limite » à la liberté d’expression du travailleur ?
Afin de pouvoir évaluer si un travailleur a été ou non trop loin dans ses propos sur les réseaux sociaux, il faut tenir compte de différents éléments tels que sa fonction au sein de l’entreprise, la nature de ses relations avec l’employeur, le réseau social sur lequel il s’exprime, le paramétrage de son profil (privé ou public), etc. Dans la pratique, Facebook est généralement considéré comme un réseau social qui relève a priori de la sphère privée tandis que LinkedIn est clairement un réseau social à caractère professionnel et donc public.
Lorsqu’on pose la question de savoir quels types de propos pourraient être sanctionnés par un licenciement, deux hypothèses peuvent être distinguées.
« Prenons tout d’abord l’hypothèse du travailleur qui critiquerait violemment son employeur ou émettrait des injures directement à son égard. L’employeur pourrait licencier le travailleur pour motif grave mais uniquement si certaines circonstances concrètes sont réunies comme, par exemple, le fait que les propos soient exprimés en dehors de tout climat conflictuel entre les parties, le fait que l’employeur en ait eu connaissance de manière régulière. Dans la pratique, cela signifie que l’employeur doit en avoir pris connaissance sans violer le droit à la vie privée du travailleur, c’est le cas si le profil du travailleur est public » explique Catherine Mairy.
La seconde hypothèse vise plutôt le travailleur qui émettrait des critiques excessives ou des injures qui n’auraient, à première vue, rien à voir avec l’employeur.
« C’est un peu le même raisonnement que dans le premier cas de figure. Ces propos pourraient justifier le licenciement pour motif grave du travailleur uniquement dans certaines circonstances. Il faudrait notamment pouvoir faire le lien avec l’employeur et prouver que les messages en question nuisent à son image, à sa réputation. De plus, comme dans la première hypothèse, l’employeur devrait avoir pris connaissance de ces propos de manière régulière et ceux-ci devraient être exprimés en dehors de tout climat conflictuel. Il est clair que dans la pratique, il sera rarement possible de justifier des injures » explique Catherine Mairy.
Et dans la pratique, un travailleur encourt-il vraiment le risque de se faire licencier pour motif grave suite à des messages indélicats postés sur les réseaux sociaux ?
« Bien sûr. Si, notamment, les messages indélicats portent atteinte à la réputation de l’employeur, à son image et que celui-ci en a connaissance de manière régulière, il pourrait licencier le travailleur qui les a tenus pour motif grave. Par contre, nous conseillons toujours à l’employeur d’agir avec prudence et de d’abord s’entretenir avec le travailleur avant de prendre une décision radicale. On pourrait, par exemple, imaginer que le travailleur qui a fauté présente ses excuses et reçoive « juste » un solide avertissement suite à ses propos. Dans ce genre de situation, ce sera toujours du « cas par cas ». Il est donc important de privilégier au maximum le dialogue entre les deux parties et de mettre en place, en interne, des canaux de communication pour éviter ce type de situation » conclut Catherine Mairy, Legal Expert chez Partena Professional.
source: Partena