Depuis tout un temps déjà, le secteur bancaire est en pleine transformation. Les évolutions technologiques, les faibles taux d’intérêt et une réglementation stricte poussent les banques vers de nouveaux business models.
De nouveaux canaux offrent aux clients des banques davantage d’accessibilité et de flexibilité. Et le client s’en trouve bien. Madame Wien De Geyter, Secrétaire général de Febelfin, nous a accordé un entretien afin de discuter des nouvelles possibilités que l’intelligence artificielle et le conseil robotisé offrent pour le secteur bancaire.
Conseil robotisé et intelligence artificielle dans le secteur bancaire. Quelle représentation en avoir concrètement ?
Wien De Geyter : les applications concrètes de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur bancaire peuvent prendre la forme d’un outil de comparaison de produits ou de simulation permettant à une banque de simuler, au bénéfice du client, la manière dont une stratégie d’investissement donnée permet de parvenir à un revenu souhaité. L’on rencontre également de plus en plus d’outils qui rendent plus efficace le processus de collecte d’informations, d’analyse des données et de traitement des données personnelles.Le conseil robotisé au sens strict a pour vocation de fournir des conseils totalement automatisés avec peu, voire pas d’intervention humaine. Un algorithme génère des conseils au départ des informations qu’un client fournit; la banque peut alors se mettre au travail sur la base de ces informations.
Allons-nous dans l’avenir trouver des robots derrière les guichets des banques ?
Wien De Geyter : le conseil robotisé est une nouvelle tendance, née aux États-Unis et qui se répand peu à peu en Europe. À l’heure actuelle, l’automatisation complète du conseil financier relatif aux services bancaires est toujours un phénomène assez marginal, mais les conseillers robotisés joueront dans l’avenir un rôle de plus en plus important dans la gestion de patrimoine active. Il s’agit d’un marché en plein essor.Le confort d’utilisation est un aspect. Mais la prestation de services financiers requiert toujours en première instance une expertise financière poussée. Savoir fournir des conseils fiables reste « du sur-mesure » et cela nécessite dès lors toujours une large intervention humaine.Pour reprendre les termes de Monsieur Rik Vandenberghe (ancien CEO ING et ancien président de Febelfin) à l’occasion de la restructuration chez ING : “Le conseil personnalisé restera une priorité. Nous n’évoluerons pas vers une banque exclusivement numérique. Le personnel maintiendra des contacts avec le client. Nous conserverons un large réseau offrant de meilleurs outils au personnel, un allègement de l’administration et davantage de temps à consacrer au conseil et à la clientèle”.
Numérisation : celui qui rate le train rate l’occasion ?
Wien De Geyter : la numérisation ne laisse aux banques aucun choix : elles doivent prendre le train en marche et c’est d’ailleurs ce qu’elles font. Le secteur bancaire soutient les développements de la technologie financière en Belgique. Ceci se traduit par une meilleure prestation de services pour le consommateur belge. En outre, cela renforce la position concurrentielle du secteur bancaire belge à la lumière de la numérisation de l’économie européenne. Cela contribue au statut de la Belgique en tant que pôle financier et renforce le pouvoir d’attrait de notre pays en tant que centre pour l’innovation. Autre conséquence positive : la création de nouveaux emplois dans le domaine de la finance et la croissance économique. Le Royaume-Uni où le secteur des fintech a créé 60.000 emplois et contribue pour 6 milliards de livres à l’économie britannique en est un bon exemple.
Outre la création d’emplois, quelles sont les autres conséquences positives ? Le conseil robotisé comporte-t-il également des risques ?
Wien De Geyter : le conseil financier automatisé offre une belle série d’opportunités. Certains services seront offerts plus facilement ou un coût moindre aux consommateurs. Pour les institutions financières, cela implique éventuellement des gains d’efficacité.Mais il comporte aussi des risques. En voici quelques-uns : le manque d’intervention humaine risque d’avoir pour effet que le consommateur ne comprend pas suffisamment la portée du conseil; le conseil robotisé pourrait également permettre la prise de décisions financières complexes ou risquées trop rapide; l’algorithme risque de poser trop peu de questions et d’être trop standardisé; par ailleurs, les conseillers robotisés peuvent être piratés,…Le défi pour le secteur bancaire va consister à déterminer de manière transparente et à la mesure du client comment il est possible de traiter les données personnelles et ainsi d’améliorer en continu la prestation de services et parallèlement de garantir un niveau élevé de sécurité. La prestation de services financiers tourne en effet toujours autour de la confiance, ce que confirme aussi notre étude de 2015 “La banque numérique et votre vie privée : une question de confiance réciproque”. Cette étude indique que le client belge est très sensible au traitement et au partage de ses données (financières) personnelles.La question se pose en outre de savoir quelle marge les autorités de contrôle laisseront au « conseillers robotisés ». Les autorités de contrôle européennes préparent actuellement un rapport sur les avantages et les inconvénients de l’automatisation du service financier.
Pour conclure. Où le secteur financier belge se trouve-t-il dans le peloton international en matière de numérisation et d’intelligence artificielle ?
Wien De Geyter : Le baromètre Banking EY indique que la numérisation est le 2e plus grand défi après la gestion des risques. Cette dernière reste bien entendu au centre de l’activité de banquier, mais témoigne aussi de l’importance qui est accordée au défi de la numérisation en Belgique.Bruxelles se trouve actuellement au 55e rang seulement du Global Financial Centers Index. Cette position doit être améliorée et le secteur bancaire belge caresse l’ambition de grimper dans cette liste. En dépit du fait que le secteur bancaire a connu des périodes exceptionnelles et que le marché s’ouvre à de plus en plus de nouveaux opérateurs et prestataires de services, les banques continuent d’investir pleinement dans l’innovation comme elles le font depuis des années. Les nombreux bankingapps et accélérateurs de technologies en sont de bons exemples. Ceci implique que les banques doivent accueillir de nouvelles compétences en attirant par exemple des experts en technologies. Ainsi qu’on le voit, le secteur financier continue d’offrir de belles opportunités de carrière.
Source: Febelfin